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Les Causses, des paysages de l’agropastoralisme méditerranéen

Comme les Cévennes et les autres causses, les Causses Méridionaux sont inscrits depuis 2011 au patrimoine mondial de l’humanité au titre des paysages culturels évolutifs.

Un relief sculpté par l’eau, le climat et les bouleversements géologiques

Difficile de croire pour le promeneur quand il parcourt les causses, qu’il marche sur le fond de la mer. Et pourtant c’est bien le cas et les nombreux fossiles présents en témoignent.

En effet, les causses sont formés de sédiments marins déposés et accumulés au fond de la mer au cours de l’ère secondaire (150 à 200 millions d’années).
Au cours de l’aire tertiaire, ces roches ont été soulevées sous la pression des mouvements tectoniques des Pyrénées et des Alpes. Ces mouvements géologiques provoquèrent également le découpage par les gorges des plateaux caractéristiques des causses.

A cette phase de sédimentation, a succédé une longue période d’érosion encore active de nos jours : les roches calcaires fissurées et les dolomies, qui composent les causses, ont subi au fil du temps les agressions du climat et de l’eau. Cette érosion a donné naissance à des reliefs karstiques typiques des causses composés de poljés, de gorges ou canyons encore actifs, d’avens, de dolines, de chaos dolomitiques ruiniformes… L’eau s’infiltrant rapidement par les fissures et les avens de ces plateaux, ce phénomène explique l’absence actuelle de cours d’eau permanent et la présence de mares et de lacs temporaires qui se forment à la suite de fortes précipitations (ex : le lac des Rives). C’est ainsi que nous pouvons observer trois types de paysages selon que la roche soit du calcaire, de la dolomie ou de l’argile à chailles. Les calcaires, très sensibles à l’érosion par le gel et l’eau, donnent des paysages aux formes souvent adoucies, vallonnées, avec une alternance de creux (dolines) et de buttes. Ces dolines ou « sotchs » sont très concentrés en proximité de la Virenque (sotch de la Parade, sotch de Robert…). Les dolomies, insensibles au gel et plus résistantes à l’érosion que le calcaire car elles contiennent du carbonate de magnésium, ont gardé des formes vigoureuses (rochers, pitons, clochetons). L’érosion différente de ces deux roches aboutit à la formation des reliefs ruiniformes typiques que sont les chaos dolomitiques. Les argiles à chailles sont des formations acides qui conduisent à la formation de sols appelés « ségalas ». Ces formations sont assez atypiques sur les causses qui sont, par définition, des plateaux calcaires. Littéralement, ce sont les terres à seigle, celles qui donnent dans le paysage ces grands champs cultivés. Ce caractère acide explique qu’il n’est pas rare d’y voir du châtaignier ou du hêtre à l’état naturel.
Sous terre, les pluies qui s’infiltrent aboutissent à de grandes nappes phréatiques stockées à l’intérieur de cavités karstiques. Le ruissellement permanent dans ces grottes est à l’origine de stalactites et stalagmites. Des réserves d’eau considérables et insoupçonnées se trouvent donc sous ces plateaux arides. Cette eau ressort au niveau de grandes failles, « résurgences » (ex : La Foux), qui segmentent les causses.

Des paysages façonnés par 5000 ans de pastoralisme

Quand l’Homme est arrivé sur les causses, il a découvert un territoire entièrement recouvert de forêt. En s’installant et en développant une agriculture sédentaire au Néolithique final (environ 3000 ans avant JC), l’Homme a ouvert les paysages en abattant les arbres, ou plus probablement en les incendiant, essentiellement pour obtenir de l’herbe pour les troupeaux. C’est aussi à partir du Néolithique final, puis à l’âge du cuivre, qu’ont été édifiés les mégalithes (dolmens, menhirs…). La « mise en pièce » du manteau forestier se maintiendra jusqu’à nos jours après différentes phases d’exploitations plus ou moins intenses de la forêt.
Mais s’installer et vivre sur les causses a aussi demandé à l’Homme de développer des trésors d’ingéniosité pour composer avec un contexte climatique complexe, car à la croisée de climats méditerranéen, océanique et occidental, et une nature de roche dominante particulière : le calcaire.
Si les hivers sont froids, les étés sont par contre secs et chauds. L’eau étant difficile d’accès car souterraine, il a donc fallu trouver des moyens pour s’adapter à cette rareté. Pour cela, l’Homme a commencé par exploiter de façon raisonnée l’eau qu’il a récupérée en milieu souterrain (grotte citerne) puis les siècles avançant, il a construit des citernes accolées à son habitat et même réalisé des toits citernes pour mieux récupérer l’eau de pluie.
Pour abreuver les troupeaux, il a empierré les mares naturelles afin de les protéger de la dégradation due au piétinement des animaux et préserver une certaine qualité de l’eau : les lavognes ou « lavagnes » sont ainsi nées.
Sur les plateaux, pour cultiver des céréales et plus tard des espèces fourragères, il a retiré et mis en tas les cailloux (pierriers ou « clapas »).
Dans les gorges, il a confectionné des terrasses, dessiné des chemins transversaux sur les pentes et construit des « ostalets » (petites cabanes de pierre permettant d’abriter les outils agricoles et contenant des systèmes de citernes pour recueillir les eaux de pluie). Sur les espaces les plus instables, il a installé des terrasses autour des villages (on peut encore en apercevoir les reliques : « traversiers »).
Le long d’une parcelle, il a bâti un mur ou « murallou » pour protéger les cultures des troupeaux, retenir les bœufs (« parc à bœufs ») dans des enclos ou les troupeaux sur des zones de pâturage (« parcours »). Aujourd’hui, ces murs ont été remplacés par les clôtures, éléments indispensables au métier d’éleveur.
Pour s’abriter des intempéries ou ranger des outils, il a édifié des cazelles ou « capitelles ». Ces petites cabanes en pierres sèches, souvent circulaires, isolées ou intégrées à un clapas, présentent des plafonds voûtés en encorbellement. L’Homme a aussi aménagé des cavités rocheuses (« baumes ») pour s’abriter occasionnellement et des bergeries (« baumes-jasses »), lorsque le lieu lui permettait d’abriter aussi les troupeaux.
Des bergeries (« jasses ») ont été édifiées pour accueillir des troupeaux sédentaires appartenant à de grands propriétaires sur des parcours éloignés ou des troupeaux issus de la grande transhumance. Les troupeaux qui transhumaient à partir des vallées proches utilisaient des bergeries en bordure du plateau et empruntaient des drailles pour se rendre en altitude l’été afin de trouver de l’eau et des ressources herbagères quand elles faisaient défaut dans la plaine. Parfois, pour circuler avec les troupeaux à l’abri du vent, de la pluie et du soleil de l’été, l’Homme a confectionné des bouissières. Ces haies de buis arborescents qui peuvent former des allées et des voûtes sur les drailles sont encore visibles essentiellement sur le Larzac.